Jocelerme Privert et le défi d’une présidence intérimaire sous contraintes

Fin 2015 et début 2016, Haïti était en pleine tourmente politique. La fin du mandat du président Michel Martelly était imminente et les seules élections de son quinquennat n’ont pas abouti à la désignation de son successeur. Le chaos, provoqué par un vide institutionnel, pointait à l’horizon.

Jocelerme Privert, élu par l’Assemblée nationale pour combler cette vacance, a hérité d’une situation politique tendue et complexe. Il devrait assurer cette transition du pouvoir dans un pays fragilisé par une crise électorale majeure et l’ostracisme de certains partenaires internationaux.

Son mandat de président provisoire s’est inscrit dans une dynamique où les attentes populaires de changement se heurtaient à une réalité institutionnelle, financière et sécuritaire particulièrement complexe.

Dès ses premiers moments à la tête de l’État, Privert a dû faire face à d’énormes défis, composer avec un calendrier électoral extrêmement contraignant, imposé par la Constitution et les pressions internes comme externes.

L’objectif affiché de tenir des scrutins transparents dans un délai très court s’est heurté à des embûches répétées, entre négociations politiques difficiles, retards administratifs et défi sécuritaire grandissant. Ces tensions ont mis en lumière les faiblesses profondes d’un système politique incapable de s’auto-réguler efficacement.

Un des traits marquants de ce bref mandat fut la volonté affirmée de restaurer la crédibilité du processus électoral. En dépit de la forte opposition de certaines missions diplomatiques, il a mis sur pied la commission indépendante d’évaluation et de vérification électorale.

Face aux soupçons de fraudes et des graves irregularités denoncées par nombre d’acteurs politiques dans le déroulement de la première phase du processus électoral, Privert s’est résolu à renforcer la rigueur dans la reprise. Cette démarche n’a pas plus aux partenaires financiers internationaux qui lui ont signifié leur refus de ne pas contribuer. Il a du s’engager a mobiliser des fonds du trésor public.

Ce geste qui traduit une rupture avec les pratiques anterieures a suscité un veritable elan patriotique dans le pays. Ils étaient nombreux les compatriotes, les organizations de la Société Civile a se mobiliser pour apporter leurs contribution a cet acte de souveraineté nationale. L’urgence d’organiser ces elections n’a pas offert le temps nécessaire pour recueillir ces contributions volontaires.

Parallèlement, le président intérimaire a misé sur le dialogue comme moyen de dépasser les divisions. Il a multiplié les appels à la concertation, cherchant à fédérer autour de lui les forces politiques et sociales, dans un climat souvent marqué par la défiance et les violences liées aux groupes armés. Cet effort d’apaisement a certes permis d’éviter une escalade majeure, mais n’a pas suffi à instaurer la stabilité durable espérée.

Par ailleurs, Privert a apporté une attention particulière à la dimension institutionnelle, soutenant des réformes nécessaires pour renforcer les organes clés comme le Conseil électoral permanent. Néanmoins, les lourdeurs bureaucratiques et le manque de consensus ont freiné ces avancées, prolongeant une période d’incertitude politique.

En définitive, ce mandat provisoire révèle les difficultés intrinsèques à toute transition dans un contexte où les structures étatiques sont fragiles et où les intérêts divergents se rivalisent pour s’imposer. Privert, malgré ses efforts personnels et son parcours atypique, a dû composer avec des contraintes qui limitaient son action et son influence.

Ce chapitre haïtien souligne combien la consolidation démocratique exige plus qu’une simple alternance formelle : elle réclame des institutions solides, un climat sécuritaire apaisé, et un engagement sincère de tous les acteurs politiques. Si Privert a ouvert une fenêtre d’opportunités, le chemin vers une gouvernance stable et transparente reste semé d’embûches.


James EXALUS